Premiers jours de janvier, nous sommes en Normandie, à Elbeuf.
Les portes de la salle de répétition du Cirque-Théâtre s’ouvrent sur un grand chemin d’oreillers qui serpente. On entend de la musique. Les résidents du foyer de vie le Cerisier arrivent, enlèvent leurs manteaux et leurs chaussures, et nous suivent sur ce chemin.
C’est le premier jour, on ne se connaît pas encore, il y a un peu d’appréhension.
On dit nos prénoms, on dit l’état de nos nuits. Car c’est de cela donc il s’agit : se promener ensemble, toute cette semaine, sur les chemins du sommeil et de l’insomnie.
Alors on se lève et on marche, chacun avec un oreiller, au rythme du violoncelle… ça commence ! Au signal sonore, on jette son oreiller par terre et on s’y couche, on y relâche tout son corps et toutes ses peurs. Puis on baille, on s’étire, et on recommence, de plus en plus confiants.
Puis on s’assoit, et on cherche des mots…. « Ne pas dormir », à quoi cela vous fait penser ? Des mots surgissent, se répondent, et s’assemblent pour devenir nos définitions de l’insomnie.
Les voici :
Ne pas dormir, c’est…
I
Ne pas dormir c’est quand on a peur,
Quand on a des sensations
Quand on a les yeux ouverts
Quand on s’allonge et
Qu’on écoute de la musique
D.
Ne pas dormir, c’est écouter des cassettes la tête sur l’oreiller,
Se détendre sur le tapis, et tricoter
Entendre la mer calme.
N.
Ne pas dormir, c’est parce que je ne suis pas toute seule
Je suis avec mon petit copain
(mon amoureux)
J’ai des envies de voyage de noces
On chantera des chansons dans NRJ.
C.
Ne pas dormir, c’est être énervé,
Être en solitude,
Se reposer dans le silence dehors,
Rêver de bien dormir.
D.
Ne pas dormir, c’est être impatiente : vite le matin !
Pour fuir les bruits désagréables des voisins
Et aller voir la mer ou
Se promener dans la forêt.
S. et C.
Ne pas dormir, c’est prendre des médicaments et laisser ma porte ouverte
afin de voir passer les veilleuses la nuit dans le
couloir et commencer à faire de beaux rêves.
C.E
Ne pas dormir, c’est une musique douce
C’est regarder les murs, pas dormir oui le cœur
C’est un cauchemar
Ne pas trop flipper
Le rêve du bien.
J.
Ne pas dormir c’est aller dans la salle, faire le bazar
Je suis en pyjama et je déambule
Et finalement je prends une douche.
S.
Ne pas dormir c’est le soleil,
je sens les battements du cœur,
Je tremble,
Je mets la main sur son épaule,
C’est le cauchemar des yeux.
C.
Ne pas dormir, c’est faire la fête
Rêves
C’est très dur le matin
C’est dur de dormir.
N.
Ne pas dormir, c’est…
C’est pénible
Je suis fatiguée
Je voudrais fermer les yeux
Et écouter un disque
Et je me lève
C’est le matin
M.
Ne pas dormir, c’est
Ne pas dormir, c’est
Ne pas dormir, c’est
Ne pas dormir, c’est
Ne pas dormir, c’est
Ne pas dormir, c’est
S.
Faire des insomnies
Je bouquine ou je regarde la télé
Je baille aux corneilles
C’est énervant !
Puis nous devenons les « anges gardiens » les uns des autres. Dans un groupe, une personne marche, elle est suivie par ses anges gardiens munis d’oreillers. Lorsqu’elle le décide, elle se couche, lentement, et ses anges gardiens glissent des oreillers sous sa tête, avant que celle-ci ne touche le sol.
Et on se couche, encore, mais cette fois, la tête bien au-dessus du sol : tout le groupe marche, mais seulement la moitié d’entre nous a un oreiller. Lorsque la musique s’arrête, tout le monde se fige, ceux qui n’ont pas d’oreillers vont se coucher sur l’oreiller proposé par ceux qui en ont.
Et on se couche, encore !!! Bien confortablement, car cette fois, c’est presque fini. On en profite, oreillers sous la tête, oreillers sur le corps comme une couverture. Les mots que l’on a écrit resurgissent, murmurés, au creux de la musique, pour un doux bercement… on aimerait que cela dure plus longtemps….
à demain !
la nuit je... 